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Tout était là. Imprimé en noir sur la pâle feuille de filmplast verte.

La communication de Seti Ashgad avec le Moff Getelles d’Anteméridian. Un arrangement pour détruire les stations de tir en échange d’armement et d’un intéressement sur les profits de Loronar Corporation, une fois la compagnie installée sur Nam Chorios pour y puiser des réserves de cristal.

Des notes de Dymurra – vraisemblablement le président de Loronar pour les Systèmes du Noyau – exposant en détail quelles minorités, quelles factions dissidentes et quels groupes opposants, convenablement armés aux frais de la Corporation, pourraient créer une diversion au sein de la flotte Républicaine, chargée de maintenir la paix, pour permettre à l’amiral Larm d’intervenir.

Des tableaux analytiques de Seti Ashgad, établissant les dépenses envisageables – armement, pots-de-vin, agitateurs et propagation de rumeurs atroces – en comparaison avec une première année de profits des ventes de cristaux programmables pour la technologie RICC.

Des comptes rendus d’entretiens avec le conseiller Q-Varg pour l’inciter à faire coïncider la disparition de Leia avec l’empoisonnement du ministre d’Etat Rieekan. Une note à l’attention de Getelles spécifiait que le poison n’était pas mortel. Ainsi, aucun successeur ne pouvait être désigné sans que cela n’engendre des discussions à n’en plus finir au sein du Conseil.

Pas un passage de la lettre d’Ashgad ne mentionnait la Semence de Mort qui avait fait des ravages quelques siècles auparavant. « Les vecteurs de cette peste n’apparaissent sur aucun analyseur médical puisque, à l’intérieur même du corps, ils imitent à la perfection les champs électrochimiques et la composition des tissus humains », était-il spécifié. Ce qui expliquait pourquoi ils avaient besoin de la chair quasi vivante des synthédroïds. « Une fois que la maladie s’accroche aux cellules, les thérapies de régénération n’ont aucun effet. Cependant, soyez assuré qu’il est en mon pouvoir de contrôler totalement la propagation de l’épidémie. Je vous apporte la garantie que le mal ne touchera que les personnes des vaisseaux et des bases de la République. »

Et des bases… pensa Leia, le souffle coupé, comme après une course de plusieurs kilomètres. La colère gronda au plus profond de son être. Imbécile ! Imbécile ! « Il est en mon pouvoir de contrôler complètement la propagation de l’épidémie », et puis quoi encore ? As-tu la moindre idée, le moindre indice, de ce qui se passerait s’il arrivait un accident ? Une erreur de calcul ? Ou quelque chose à laquelle tu n’avais pas pensé, maître Ashgad Je Sais Tout, hein ?

La fureur la fit trembler. On possédait peu de données sur les conséquences de la première vague de peste. Des groupes entiers de population appartenant à des douzaines de civilisations capables de voyager dans l’espace avaient péri avant que la maladie ne commence à montrer des signes de faiblesse. Dans certains endroits, le mal avait été combattu mais Leia ne savait pas comment, ni si les remèdes avaient été efficaces. D’après sa propre expérience, Dzym – et Dzym seul – semblait être à même de contrôler la Semence de Mort.

Elle songea à Ezrakh et à Marcopius. Ses yeux verts se gonflèrent de larmes. Je vais les tuer. Son tremblement de rage s’accentua. Elle se demanda combien de temps il lui faudrait pour maîtriser la Force et acquérir suffisamment de puissance pour venger tous ces innocents. Je vais invoquer la Force dans mes mains et je la déverserai sur leurs têtes comme une foudre meurtrière !

C’est ce que Vador avait fait.

C’est ce que son fils Anakin avait fait. Dans son rêve.

Elle serra ses bras autour d’elle et lutta pour ne pas éclater en sanglots. Il valait mieux ne pas le savoir quand on disposait d’un pareil pouvoir, se dit-elle. Il valait mieux ne pas savoir ce qu’il était possible de faire quand on décidait d’abandonner son cœur et sa vie à la colère.

Yan viendrait la chercher. Yan serait avec la Flotte. Le mal ne touchera que les personnes des vaisseaux de la République.

Et la République était plongée en plein chaos. Ils avaient osé empoisonner ce pauvre Rieekan, dans le seul but de semer la zizanie…

Et pour quelle raison ?

Les mains tremblantes, elle parcourut les pages de filmplast.

Voilà. Le plan de Loronar Corporation pour construire une nouvelle usine sur Anteméridian. Une installation destinée à la fabrication des synthédroïds. Des chaînes d’assemblage qui pouvaient également produire quelque chose baptisé « Aiguille », une sorte d’arme miniature à longue portée, programmable par technologie RICC à cristaux, et capable de voyager dans l’hyperespace.

Et la source principale d’approvisionnement de ces cristaux, c’était bien Nam Chorios.

Technologie RICC. Des aiguilles interstellaires, lardant la Flotte comme une Quamillador du système Kidron qui planterait ses épées dans un fauve. Avec Nam Chorios sous leur contrôle absolu, ils disposaient d’une source presque inépuisable de cristaux qu’ils pouvaient utiliser à leur guise.

L’Infaillible. Il y avait toute la paperasserie à ce sujet. Une coque modifiée de Chat-Huant 17 dont on avait augmenté la capacité. Loronar avait procédé à un grand nombre de largages de pièces et de composants au cours des derniers mois. Les commandes d’Ashgad étaient très précises – Leia se rappela son père lui disant que l’individu était au départ un concepteur de vaisseaux – et ses communications indiquaient où et quand ses amis du Parti Rationaliste avaient récupéré le matériel. Il y avait eu des incidents lors des deuxième et troisième largages. Les stations de tir avaient pulvérisé les cargaisons en plein vol. Liegeus Sarpaetius Vorn était mentionné comme le concepteur et le programmeur de l’intelligence artificielle du vaisseau mais il était spécifié que son talent résidait dans l’art de fausser les hologrammes. Il y avait là des demandes d’enregistrements bien particuliers – d’elle-même, du vaisseau amiral et de son escorte – afin de falsifier les transmissions et d’envoyer de faux rapports sur la conclusion de la conférence avec Ashgad, le départ des deux vaisseaux du point de rendez-vous et leur saut dans l’hyperespace.

Elle se sentit trahie et son estomac se serra. Liegeus ne pouvait pas savoir ce qui se passait. Il ne pouvait pas connaître l’étendue du danger que représentait la peste. Une colère, teintée d’amertume, l’envahit parce qu’elle s’était prise à apprécier cet homme.

Le Grand Moff Tarkin avait probablement été un bon père et un bon mari, pour peu qu’il ait eu une famille, pensa-t-elle, écœurée par sa propre naïveté. L’homme qui avait appuyé sur le bouton de mise à feu du canon qui avait détruit Alderaan avait certainement compté pour quelqu’un. Elle serra le poing pendant un moment. Sa respiration se fit haletante sous le coup de la rage.

Puis, impassible, elle se remit à étudier les feuilles de filmplast, cherchant quelque chose…

Là. Des factures pour la construction de l’Infaillible. Un mécanisme de chargement pour propulseurs antigrav et réservoirs de flottaison. Tout cela dans le but de faciliter la prospection des cristaux, et permettre au gros vaisseau marchand d’aller et venir librement, une fois les stations de tir éliminées. Curieuse quantité de boucliers, se dit-elle. Double, voire triple, épaisseur de coque avec compensateur interne. Quel type de radiations s’attendaient-ils à traverser avec un pareil équipement ?

Leia se rassit et observa le coucher du soleil par la fenêtre.

Elle eut l’impression d’avoir dormi plus longtemps qu’elle ne pensait. A l’angle des rayons, elle calcula qu’elle n’avait dû être inconsciente que quelques heures. Il y avait de l’eau fraîche dans la cruche et certains signes prouvaient que quelqu’un – Liegeus peut-être ? – était entré dans la chambre. Quand elle s’était réveillée, elle avait découvert qu’on avait posé une couverture sur elle. Elle s’était alors estimée heureuse d’avoir eu la force de dissimuler les données et le sabrolaser avant de s’évanouir. Au moment où elle s’était allongée, elle avait cru mourir.

En fait, les sensations éprouvées avaient été curieusement similaires à celles ressenties en présence de la Semence de Mort.

Mais Dzym n’était pas là. Si Dzym avait su où elle était, et ce qu’elle était en train de faire, elle ne se serait certainement jamais réveillée dans sa chambre.

Elle remonta sa manche. Des rougeurs et des nouvelles morsures de drochs étaient visibles par endroits. Il n’y avait aucun signe de violence. Aucun signe de vaisseaux sanguins éclatés. Aucune marque que les doigts du secrétaire auraient pu laisser.

Le crépuscule violacé cédait la place à la nuit noire. Le vent s’était calmé au coucher du soleil. Leia envisagea d’attendre jusqu’à l’aube mais chassa rapidement cette pensée. Ce n’était pas par peur d’éventuels prédateurs naturels hantant les nuits de Nam Chorios. Attendre jusqu’au lendemain signifiait huit heures de moins avant le retour d’Ashgad. Si elle agissait maintenant, il y avait de bonnes chances pour qu’ils ne se rendent pas compte de son absence avant le matin.

La princesse se leva. Ses genoux flanchèrent un peu. La cruche d’eau était hermétique. Une simple pression sur le couvercle suffisait à sceller le récipient. Elle était lourde, pendue à son épaule par une bandoulière de fortune fabriquée à partir d’un drap déchiré. Elle roula deux couvertures ensemble et enfila deux tuniques supplémentaires que lui avait données Liegeus. Au contact du tissu, sa colère contre l’homme se dissipa. Il ne pouvait pas savoir dans quel pétrin il s’était fourré. Et maintenant il était probablement trop tard pour qu’il puisse faire machine arrière.

La combinaison du verrou de la porte avait été changée pendant son sommeil. Elle alluma son sabrolaser et le planta dans les entrailles du mécanisme. C’était maintenant ou jamais. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre plus de temps.

D’abord le bureau d’Ashgad. Elle avait encore besoin de deux choses.

La pièce faisait face au nord, comme sa chambre. Les rideaux étaient tirés. Les derniers rayons du soleil, réfléchis par les falaises et les pics de cristal des montagnes au-delà du plateau, tombaient en une cascade spectrale sur les dalles blanches du sol. L’étonnante radiance avait quelque chose de réconfortant. Leia ouvrit les fichiers de l’ordinateur, entama une recherche et une impression de tout ce qui pouvait concerner la Semence de Mort. Cela représentait cinquante ou soixante pages, recto verso, interlignage simple, qu’elle glissa entre ses couvertures roulées avec le reste des données.

Elle passa ensuite les répertoires en revue jusqu’à ce qu’elle découvre ce qu’elle cherchait : une carte des environs, des indications géographiques et des guides routiers. Il y avait un village, à une vingtaine de kilomètres, de l’autre côté de la montagne où se trouvait la forteresse d’Ashgad. C’est là que celui-ci penserait à la chercher en premier. Cependant, il y avait de fortes probabilités pour que l’endroit ne soit pas doté de l’équipement nécessaire pour l’envoi de messages en subespace. Une station de tir se situait à seize kilomètres dans la direction opposée, sur la crête d’une montagne appelée le Point Sombre. Elle estima qu’elle pouvait l’atteindre, si elle restait à couvert, en longeant le pied des falaises. Le poste serait peut-être inoccupé. Puisqu’il y avait là une batterie automatisée qui défendait cette planète depuis plus de mille ans, elle avait probablement une chance d’y découvrir aussi du matériel pouvant s’avérer utile.

Elle vérifia à nouveau le plan de la demeure. Il fallait passer cette porte, remonter le hall et prendre à droite – puisqu’elle avait pris à gauche lors de sa précédente excursion – un escalier et une porte blindée dont la combinaison, d’après l’ordinateur, était 339-054-001-6. Les réservoirs antigrav étaient stockés derrière cette deuxième porte. La lumière du jour baissait de plus en plus et elle eut soudainement peur. Elle savait que Dzym pouvait opérer aussi bien dans la journée que pendant la nuit mais elle se sentait beaucoup plus à l’abri de ses éventuels assauts en plein jour. Elle ne voulait pas savoir qui il était, ce qu’il était. Elle voulait tout simplement quitter cette maison avant qu’il ne fasse nuit noire.

Une pensée lui traversa l’esprit. Elle se retourna et ouvrit le panneau de l’armoire où était entreposée l’unité centrale RICC. Les voyants ambrés de l’appareil brillaient comme des yeux dans l’obscurité.

Il fallait agir vite, songea-t-elle. Liegeus devait être en train de travailler avec les synthédroïds dans le hangar de l’appareil en construction. Beldorion devait certainement en avoir un ou deux parqués dans ses quartiers et peut-être un de plus dans la cuisine pour tenir compagnie à ce sale petit cuisinier kubaz. L’effondrement généralisé des synthédroïds les ferait se lancer à la poursuite de Leia. Mais, seuls Liegeus et Dzym partiraient à sa recherche. Pas une bonne vingtaine d’humains synthétiques extrêmement agiles et contrôlés par un ordinateur central.

Son pouce allait appuyer sur la commande de mise en route du sabrolaser quand elle entendit le chuintement de la porte du bureau. Elle en demeura pétrifiée. Quelques secondes plus tard, des voix résonnèrent dans la pièce et Leia eut à peine le temps de refermer derrière elle le panneau qui séparait le local de l’unité centrale du vestibule.

Trois jours ! voulut-elle crier. Il avait pourtant dit qu’il serait absent trois jours !

L’une des voix était celle de Seti Ashgad.

– Je vous ai bien dit de ne pas vous approcher d’elle ! dit-il. (Leia fut choquée d’entendre combien sa voix était cassée et criarde. C’était la voix d’un vieillard.) Skywalker est son frère. Il est Chevalier Jedi. Il s’en rendra compte si elle meurt. Il est bien trop tôt pour qu’on leur fasse savoir qu’il est temps de lui choisir un successeur. Tout notre plan tombera à l’eau si…

– Vous m’avez déjà dit tout cela, siffla la voix de Dzym dans le crépuscule. Cessez donc de me traiter comme un imbécile, Ashgad. Vous êtes en train de me dire que vous faites plus confiance à cette espèce d’épave qu’à moi, c’est cela ?

Leia entrebâilla la porte et essaya de jeter un coup d’œil. Aucune lumière ne provenait du bureau tout en longueur et le jour faiblissant ne fournissait plus suffisamment de clarté pour éclairer l’intérieur de la pièce. Elle parvint néanmoins à distinguer des visages et le « V » d’un blanc étincelant du plastron de la chemise d’Ashgad… Elle eut l’impression qu’il portait une sorte de capuche blanche ou grise. Tout cela n’était pas très net dans la semi-pénombre. De Dzym, elle ne put presque rien discerner, hormis une vague ombre sinistre et maléfique et des yeux scintillants qui lui donnèrent la sensation très déplaisante qu’elle avait déjà croisé ce regard… Des yeux similaires, qu’elle aurait vus récemment…

Liegeus prit la parole.

– Je je je vous l’ai dit, bégaya-t-il, je, heu, j’ai pensé en la trouvant hier après-midi… que… qu’elle ne s’était pas réveillée, monseigneur. Elle était étendue, là, glacée et respirant à peine. Je suis allé la voir toute la journée d’aujourd’hui.

– Vous avez pensé… dit Dzym à voix basse. (Son ombre se déforma quand sa tête se tourna dans un mouvement presque reptilien.) Vous avez hâtivement conclu que j’avais désobéi aux ordres du seigneur Ashgad, que j’attendais qu’il ait le dos tourné…

Leia eut l’impression qu’il venait de tendre la main vers le visage de Liegeus. Bien qu’il lui fût difficile de voir, elle comprit que le faussaire holographique venait de reculer et qu’il était maintenant acculé au mur. Cependant, elle l’entendit murmurer :

– Je vous en prie…

Une réelle terreur transpirait dans sa voix.

– Avez-vous vérifié la chambre ? demanda prestement Ashgad. Il est possible que cela se soit passé différemment. Est-ce qu’un autre…

– Bien sûr que non ! dit Dzym en se retournant vers Ashgad (Liegeus en profita pour s’écarter.) Quel autre ? Qui en dehors de moi en aurait la force ? Lequel est suffisamment âgé et suffisamment développé, hein ? Je vous l’ai déjà dit. Je vous l’ai déjà dit et je vous ai déjà demandé de cesser de me parler comme si je n’avais pas de cerveau ! Allons la voir et vérifions si cette espèce de personnage qui n’arrête pas de geindre nous dit la vérité.

Liegeus tourna vivement les talons et Leia entendit le glissement de la porte dans les ténèbres.

– Attendez ! dit Ashgad d’un ton rauque.

Il était de plus en plus difficile de voir ce qui se passait et le chuchotement des voix devenait à peine audible. Leia estima que Liegeus était parti en éclaireur, laissant Ashgad et Dzym seuls dans la pièce. Ashgad parlait bien trop bas pour qu’elle puisse l’entendre mais elle comprit vaguement que cela avait été un long voyage et qu’il aurait dû emmener son secrétaire avec lui.

Dzym ne répondit rien. A moins qu’il n’ait parlé trop doucement pour qu’il soit possible de le comprendre.

– Je me serais bien occupé de cette femme à Hweg Shul, d’une manière ou d’une autre. Je l’aurais tenue éloignée de vous. Je l’aurais empêchée de parler. La prochaine fois…

– Il n’est pas nécessaire, murmura Dzym, qu’il y ait de « prochaine fois ».

– Dès que les troupes de Larm auront atterri, je ferai en sorte qu’on s’occupe d’elle. Je le promets. Vous n’aurez plus à vous faire de souci. Elle ne vous trahira pas. Personne ne la croit, de toute façon… Mais… Regardez-moi… (La voix criarde de vieillard se mit à dérailler. Leia réalisa alors qu’Ashgad ne portait pas de capuche, comme elle l’avait initialement pensé mais que ses cheveux étaient en train de blanchir à vue d’œil.) Il a fallu que je quitte rapidement la réunion d’hier soir. Je devais revenir ici le plus vite possible…

– Revenir ici, souffla Dzym d’un ton moqueur. Revenir vers quelqu’un en qui vous n’avez pas confiance. Vers quelqu’un que vous pensez capable de vous désobéir…

– Je n’ai jamais pensé que vous aviez désobéi.

– Vous avez cru ce que vous avait raconté l’autre pleurnicheur…

– Je… Non… Ce n’est pas cela. J’ai juste été pris de court. Nous avons besoin de lui, Dzym. Jusqu’à ce que tout cela soit fini. Il est le meilleur qu’on ait pu recruter, l’un des meilleurs faussaires holographiques du marché. Après l’arrivée des soldats de Larm, après l’installation des rails de lancement de l’Infaillible, vous pourrez en faire ce que vous voudrez. Mais je vous en prie. Ne vous mettez pas en colère…

Elle n’entendit pas clairement ses derniers mots. Elle pensa qu’il devait s’agir de quelque chose comme « donnez-moi » ou « sauvez-moi ».

Dzym s’écarta légèrement. Leia vit la silhouette noire à l’impressionnant chignon se découper devant les témoins lumineux de mise en route de l’ordinateur. Elle vit le mouvement presque arachnéen de sa main gantée déboutonner le devant de sa tunique. Dans le halo lumineux dans lequel il se trouvait à présent, la princesse s’aperçut qu’au-dessous de la base du cou, la peau de l’individu était complètement différente : dure, chitineuse, avec des reflets vert et ambré. Des fissures et des marbrures couvraient la poitrine et les épaules dénudées de Dzym. Sur toute la surface de son épiderme, poussaient des tubes et s’ouvraient des orifices, des nodules frétillants se terminaient par de petites bouches claquantes. Tout cela n’avait plus rien d’humain. Tous ces trous, toutes ces gueules s’étiraient et se déformaient sans cesse au milieu de la masse noire grouillante. La bouche humaine de Dzym s’entrouvrit également et sa langue se déploya pareille à un long serpent noir.

Emettant un bruit qui n’était ni une plainte ni un soupir, Ashgad pencha la tête en avant. Il appliqua sa bouche contre le poitrail sombre et chitineux de son secrétaire. La tête de Dzym exécuta un épouvantable mouvement tournant parfaitement inhumain. Sa langue glissa le long de la nuque d’Ashgad. Quelques gouttes de sang se mirent à perler. Ashgad laissa échapper des bruits faibles et désespérés puis devint silencieux. Ce silence dura une minute. Pour Leia, coincée dans l’obscurité du vestibule, cette minute sembla durer une éternité.

– Merci, chuchota finalement Ashgad, à peine audible.

Le vieillissement de sa voix avait disparu. La pièce était à présent totalement plongée dans les ténèbres, seules quelques vagues nuances orangées teintaient encore le ciel crépusculaire. Leia eut cependant l’impression que les cheveux de l’humain s’étaient à nouveau assombris. Quand il quitta la pièce, Ashgad se déplaçait avec l’agilité d’un jeune homme. Leia, sans en être sûre, crut le voir s’essuyer le coin de la bouche et le menton.

Elle minuta le bruit de leurs pas en train de monter les escaliers, sachant qu’elle ne disposait plus que de quelques minutes pour agir. La lame couleur de ciel du sabrolaser s’anima dans sa main et elle la plongea au centre même de l’unité centrale. L’appareil émit un sifflement terrible et produisit étincelles et fumée. Elle s’empara du rouleau de couvertures et de la cruche et s’avança sur les dalles de la pièce. Elle détruisit le verrou de la porte qui menait au reste de la demeure, prit à droite dans le hall et remonta l’escalier. Une autre serrure à forcer, une autre porte. Un synthédroïd se trouvait dans le laboratoire. Ses yeux bleus semblaient perdus, sa bouche androgyne s’ouvrait et se fermait au fur et à mesure qu’il heurtait maladroitement les murs. Leia le bouscula et il tomba à la renverse. Elle ressentit une vague culpabilité quand elle enjamba le corps. En plongeant la lame de son sabrolaser dans l’ordinateur de contrôle centralisé, elle les avait désactivés… Elle les avait détruits…

Ce ne sont pas des êtres vivants, se dit-elle. Ils ne sont pas plus vivants qu’un droïd ordinaire que l’on aurait désactivé ou dont on aurait purgé la mémoire. Mais la culpabilité demeura, un peu comme si elle avait dû effacer les banques de données de D2 ou de C3 PO.

Ils vont se lancer à ma recherche. Ashgad, Dzym et Liegeus. Ils vont demander à Beldorion d’utiliser ses talents de Jedi, de faire appel à la Force. Tout cela pour sentir les vibrations de son esprit. Si cette masse indolente, cette limace en était encore capable et si les fluctuations de la Force qui baignaient ce monde le permettaient.

Le hangar dans lequel étaient entreposées les unités d’antigravitation se trouvait exactement à l’emplacement indiqué par le schéma.

Une seule de ces unités était active. Les autres, une bonne douzaine, reposaient encore dans leurs boîtes de styrène remplies de paille, rangées le long d’un mur. Elles étaient mortes, aussi inutiles que de vulgaires cailloux.

Leia eut l’impression qu’on venait de lui balancer un seau d’eau glacée à la figure.

Ses mains se mirent à trembler de façon incontrôlable. Elle s’empara de la seule unité sur l’étagère dont les voyants étaient au vert. C’était un 100-GU. Les speeders avaient en général besoin de quatre unités pour fonctionner. Celle-ci n’était qu’à moitié chargée. Elle tourna la commande sur flottaison neutre et sortit du laboratoire en traînant l’unité derrière elle comme un ballon de baudruche. Un synthédroïd était étendu à l’extérieur, le regard complètement vide, près d’un chargeur de flottaison neuf à moitié assemblé. L’appareil plus ancien, posé sur une table voisine, était un modèle dépassé dont les morceaux ne tenaient que grâce à des élastiques et de la bande adhésive. Des réservoirs de flottaison antédiluviens et en partie démontés traînaient tout autour.

La prochaine fois que l’ouverture au commerce sera évoquée, ils peuvent être sûrs que je voterai pour ! se dit Leia en souriant tout en fouillant dans les tiroirs. Elle y découvrit un grappin et un treuil de ceinture. Un équipement standard dans ce genre de contrées montagneuses. Elle y trouva aussi un petit bâtonnet lumineux et deux rouleaux de bande adhésive argentée. Elle accrocha le tout à l’espèce de bandoulière qu’elle avait confectionnée pour transporter ses affaires. Cette histoire de ne jamais être en mesure d’avoir l’équipement qu’il faut quand il le faut devient vraiment ridicule. Elle fourra dans sa poche deux minicalorifères de secours, traversa la pièce en courant jusqu’à la grande double porte que le schéma indiquait comme donnant sur l’aire d’envol.

C’était bien cela. Une très grande piste de permabéton, ouverte sur deux côtés, occupait toute la partie sud-est de la résidence d’Ashgad. L’Infaillible reposait sur ses cinq trains courtauds, près de la porte de l’atelier par laquelle Leia était passée. Dans des hangars plus petits, sur le côté de la piste, elle repéra la forme conique et effilée d’un vieux modèle de Chasseur de Tête et la silhouette trapue d’une navette d’assaut de type Skipray, entièrement désossée.

Des synthédroïds, avec des outils ou des bonbonnes de mousse expansée de sécurité en main, étaient étendus inertes un peu partout autour du vaisseau en cours de construction. Dans la clarté des étoiles, on aurait dit des piles de linge mouillé. Il n’y avait aucun éclairage. L’Unité de Contrôle Centralisé connaissait l’emplacement de chaque marche, de chaque pièce de machinerie, de chaque longueur de câble ou de chaque outil manipulé par l’un des synthédroïds, peu importe lequel. Leia sentit les bourrasques du vent qui soufflaient dans le vide par-delà l’aire d’envol. Elle perçut les échos d’une douce lumière qui montait des étendues cristallines, le scintillement d’étoiles anonymes amplifié par les multiples facettes des falaises et des pics.

Elle alla jusqu’au bord de la piste et regarda vers le bas. Son cœur se figea. Non, je ne peux pas.

Il devait bien y avoir trois cents mètres de dénivelé jusqu’au pied de l’à-pic. Au-delà, la pente s’adoucissait pour rejoindre la plaine de diamants pulvérisés qui renvoyaient de faibles éclats colorés dans la lumière étiolée. Les capacités de levage d’une unité antigravitation étaient directement proportionnelles à la distance qui la séparait de la surface du sol. La chute serait peut-être trop rapide et l’unité mettrait du temps pour se mettre en route. Elle ne le ferait probablement pas assez tôt ni avec suffisamment de puissance pour amortir la descente.

La longueur de câble dont Leia disposait devait à peine représenter un quart de la hauteur à parcourir. Comme il était impossible de détacher le grappin, il resterait fiché au bord de la piste. Autant envoyer des fusées de détresse pour indiquer dans quelle direction elle comptait s’enfuir !

Derrière elle, dans la masse sombre de la demeure, elle vit une lumière s’allumer. Puis une autre.

Une image lui traversa l’esprit. Celle d’Ashgad penchant sa tête vers les petites bouches, les tentacules et les protubérances de la poitrine chitineuse de Dzym. Elle imagina les mains de Dzym, sans gants, appliquées sur son visage, sur ses poignets. Elle ressentit à nouveau la douleur froide qui l’attirait inexorablement vers la mort.

Ici, en hauteur, dans cet endroit dénué de murs et exposé aux vents, elle eut la curieuse sensation que la Force l’entourait complètement. Comme si elle se tenait, non pas sur un bateau au milieu de l’eau, mais au fin fond de l’océan lui-même. Elle eut l’impression étrange et très puissante que la Force l’appelait à elle. Qu’elle lui parlait un langage qu’elle ne parvenait pas à comprendre.

Elle vérifia l’unité antigrav qu’elle tenait en main.

Ce n’était pas assez.

Ça l’est… La pensée souffla comme un vent chaud et rassurant dans son esprit. Ça l’est…

Tu parles !

Leia regarda de nouveau dans le précipice. Le reflet spectral des astres et les étendues scintillantes disparaissaient à perte de vue dans l’obscurité, comme absorbés par les ténèbres du subconscient. Elle savait que la légère différence de poids n’aurait guère d’effet sur l’immuable loi de la gravitation et de ses vingt-six mètres soixante-six par seconde. Elle lança d’abord son rouleau de couvertures. Elle ne voulait pas risquer de briser la cruche d’eau en mille morceaux.

Eh bien, voyons… se dit-elle avec cynisme en se fabriquant une sorte de poignée au moyen d’une bonne longueur de bande adhésive. Parce que moi, je ne risque pas de me briser en mille morceaux en tombant, peut-être ?

La nuit tout autour d’elle sembla chuchoter. Il y eut comme un éclair furtif dans l’obscurité. Mais non, il ne t’arrivera rien. Nous sommes là. Aie confiance.

D’autres lumières s’animèrent dans la maison, comme une nuée de vers luisants envahissant les nuits d’été. Leia entendit tonner la voix de baryton d’Ashgad.

– Liegeus ! Venez ici immédiatement !

Ils avaient dû découvrir les synthédroïds.

Leia passa son bras par la poignée, alluma l’unité antigrav et la régla sur la puissance maximale. Puis, elle sauta dans le vide.

 

Leia était en train de l’appeler.

Luke se réveilla en sursaut, choqué et le souffle court dans la fraîcheur de l’aube.

Probablement amplifiée par le cercle de montagnes de cristaux, pareilles à des stalagmites de verre fondu, l’image de la princesse sembla se graver dans l’esprit du jeune homme. Elle paraissait seule, dans un monde de glace et de ciel. Elle se tenait sur une terrasse de pierre, drapée dans une couverture blanche. Ses cheveux couleur de cannelle lui tombaient sur l’épaule en une longue tresse mal serrée. Quelque chose dans cette image indiqua à Luke qu’elle lui parvenait d’un passé tout proche et qu’elle s’était retrouvée prisonnière des distorsions de la Force. Il comprit cependant que l’image était bien réelle. Leia avait l’air délicate et fragile. Elle avait l’air également très effrayée.

Ashgad.

Il ne s’était pas contenté de détruire son vaisseau et de s’emparer des armes. Il l’avait enlevée. Pour une rançon ? Pour une négociation ?

A moins que tout cela ne soit qu’une illusion catalysée par la découverte que Luke avait faite lors du largage de la cargaison la veille au soir.

Non. Aussi certain qu’il sentait le moindre de ses muscles en mouvement à l’intérieur de son corps, il savait que Leia était bien là – ou qu’elle avait été là – et qu’elle était en vie.

Au pied des Montagnes de l’Eclair, avait dit Taselda. Arvid ou tante Gin devaient certainement connaître l’endroit. L’espace d’un instant, il envisagea même d’emmener Taselda avec lui mais il rejeta l’idée une fraction de seconde plus tard.

Il se leva de son lit et alla regarder par la fenêtre de transparacier. Dans la cour paisible, poussiéreuse et couverte d’une végétation rachitique, s’entassaient – entre les pompes à eau – des morceaux de speeders inutilisables. Au-delà du mur d’enceinte, les ballots antigrav chargés de feuilles sombres flottaient immobiles dans la lueur du levant. Luke se rappela que tout ce qu’il avait sous les yeux avait été créé de toutes pièces, avec peine et acharnement, sur un monde originellement dénué de toute vie.

De l’endroit où il se trouvait, la présence de la Force, envoûtante et sauvage, ne se faisait que très faiblement ressentir.

Luke projeta les ondes de son esprit. Leia, ne désespère pas. Je viens à ton secours.

Impossible de savoir si cette pensée finirait par atteindre la jeune femme en raison de toutes les distorsions de la Force à la surface de cette planète. Impossible de savoir si elle finirait par entendre… Et quand elle finirait par l’entendre…

Mais Callista lui avait dit que l’espoir peut, lui aussi, de temps en temps affecter le cours de la Force.

 

– Qu’est-ce que c’est que ça ?

Engoncé dans les plis de son long manteau noir à capuche et dissimulé derrière son respirateur et sa perruque, C3 PO estima que la question du capitaine Ugmush n’était que pure rhétorique. Même une personne qui n’avait pas l’habitude de se frotter aux combats, aux émeutes et à la Rébellion aurait été capable d’identifier le son grave des tirs d’artillerie et des murs en train de s’écrouler, les clameurs des humains et le mugissement des blasters.

Les trois époux de la Gamorréenne, en revanche, prirent l’exclamation de leur capitaine pour argent comptant et s’empressèrent de partir à la "recherche de l’information leur permettant de lui apporter une réponse. Ils se dandinèrent jusqu’au portail qui menait à la rampe d’accès pour voir ce qui se passait. Les trois individus atteignirent la porte en même temps et il s’ensuivit un véritable pugilat pour savoir lequel passerait en premier. Le capitaine Ugmush, qui s’était également engagée à emporter du matériel dans ses soutes, attendait avec impatience que la marchandise lui soit livrée. Elle quitta sa console de travail du poste de pilotage, où elle était en train d’étudier les projections d’éventuelles fenêtres de lancement et de points de saut dans l’hyperespace, pour mettre fin à la querelle à grand renfort de claques, hurlements et coups de tête. Toute la petite famille passa la porte et s’en alla rouler au bas de la rampe. Jos, l’ingénieur enchaîné à sa console, ne releva même pas les yeux.

Une nouvelle explosion fit vaciller l’appareil sur ses trains d’atterrissage. C3 PO se redressa nerveusement.

– Capitaine Ugmush… (Il réalisa que ses modulateurs vocaux étaient repassés sur leur réglage d’origine. Il s’empressa de retrouver le ton grave enregistré dans ses mémoires de résonances organiques afin de dissimuler le son métallique si caractéristique de sa voix de droïd.) Capitaine Ugmush, pensez-vous qu’il soit raisonnable pour vous d’abandonner le vaisseau dans des circonstances pareilles ? (Il tituba vers la porte. D’autres rafales éclatèrent. Les hurlements qui montèrent semblaient dangereusement proches.) En cas de décollage d’urgence… Oh, mon Dieu… D2 ? (Sa voix bascula à nouveau sur son réglage par défaut.) As-tu la moindre idée de la façon dont on peut faire décoller cet engin ?

L’astromec roula en hésitant vers l’écoutille à la suite de son partenaire et nia toute capacité dans l’art de piloter le vaisseau cubique des Gamorréens.

– Seigneur, Seigneur… marmonna C3 PO.

Il emboîta le pas à D2 R2 qui était en train de descendre la rampe en espérant que la situation à l’extérieur n’allait pas s’aggraver.

Quand il déboucha à l’air libre, le droïd de protocole se rendit compte qu’effectivement les choses ne pouvaient pas s’aggraver. Elles ne pouvaient pas être pires ! La baie d’envol voisine était en flammes. D’épais nuages de fumée noire accompagnaient des colonnes de feu de plus de dix mètres montant vers le ciel. Les troupes Gopso’o et les forces gouvernementales droviennes échangeaient tirs de blasters et de grenades antipersonnel au milieu des décombres.

L’espace d’un instant, la baie d’embarquement dans laquelle reposait le Zicreex redevint calme. Aucun Gamorréen en vue. Puis, sous l’une des arcades, un panneau s’ouvrit avec violence et une petite silhouette hirsute franchit le seuil. Le fugitif appuya sur la commande de fermeture de la porte, dégagea une barre de métal du tas de ferraille le plus proche et défonça le verrou. Il était clair que si des gens se trouvaient de l’autre côté du panneau, ils devaient être équipés de pieds-de-biche, d’un bélier d’assaut ou de grenades. Le fugitif traversa l’aire de permabéton ventre à terre.

– Mais, c’est maître Yarbolk, du Bibine et Coquines ! s’exclama C3 PO stupéfait. Maître Yarbolk ! Par ici, maître Yarbolk !

Le Chadra-Fan n’eut pas besoin de plus d’encouragement. Il passa en trombe devant les droïds et remonta précipitamment la rampe d’accès au vaisseau. Une fraction de seconde plus tard, la porte céda et une bande hétéroclite de Droviens s’engouffra par l’ouverture. Certains portaient la tresse caractéristique des Gopso’o, d’autres – certainement des sympathisants – n’arboraient aucun signe distinctif. Il y avait avec eux quelques Durosiens et Devaroniens un peu louches, du genre que l’on croise souvent dans les spatioports. L’un d’entre eux poussa un hurlement. Il y était question d’un salopard de porc qui les avait trahis. C3 PO interpréta correctement la remarque comme faisant allusion à la fuite de maître Yarbolk. Il pointa son index vers l’une des baies voisines qui n’était pas encore la proie des flammes.

– Par ici ! tonna-t-il de sa drôle de voix grave. J’ai vu passer un tout petit journaliste couvert de poils et pas bien propre !

Il espéra que son intervention était aussi crédible qu’elle était informative.

Ne tarissant pas de jurons, la masse hurlante emprunta le passage menant à l’aire indiquée. Au même instant, un obus de deux cents millimètres s’abattit sur l’arcade qui séparait la zone incendiée de celle ou était posé le Zicreex. C3 PO laissa échapper un petit cri de panique et remonta la rampe de l’appareil. Des agents du gouvernement drovien firent leur entrée en bataillon serré. Ils ouvrirent le feu sur les Gopso’o qui tentaient de s’éparpiller au milieu des ruines. C’est alors que Ugmush et ses maris firent leur apparition. Ils venaient de croiser la foule lancée à la poursuite de Yarbolk et décidèrent d’ajouter leur grain de sel au tumulte de la bataille. Courant sur la piste de permabéton, ils firent feu sur les Gopso’o. Les épaules chargées d’un amoncellement de paquets, de ballots et de caisses d’expédition, ils gagnèrent prestement le Zicreex.

Ugmush fit irruption sur le pont. Ses tresses roses volaient dans tous les sens et les parasites monts s’accrochaient du mieux qu’ils pouvaient à sa masse graisseuse pour ne pas voler alentour.

– Allez ! Bouclez vos ceintures, bande de bouffeurs d’ordures ! hurla-t-elle. Mais nom d’une fichue larve de sith, vous vous croyez où ? A bord d’un vaisseau de plaisance ? (Elle s’affala derrière sa console, appuya sur des boutons et poussa des leviers à une vitesse stupéfiante, vu la grosseur de sa main.) Allez me fermer cette damnée écoutille et remontez la rampe, tas d’incapables couverts de fange ! Il faut que je fasse tout à bord de cette saleté de cargo ? Jos, mets la gomme, tire-nous de là ! Fruck ? Ouvre donc le feu sur ces satanés Gopso’o ! Attention ! Accrochez-vous, bande de cerveaux ramollis bouffeurs de savon sans parasites !

Elle s’arc-bouta sur la commande du propulseur. L’ingénieur enclencha les turbos d’urgence. Dans le mugissement des blasters et le grondement des canons à ions, le Zicreex – pareil à un fruit surdimensionné projeté vers le ciel à la catapulte – prit son envol au milieu des débris, des volutes de fumée noire et des tirs antiaériens.

C3 PO, qui n’avait pas eu le temps de s’attacher, ni même de s’asseoir, se releva avec précaution et ajusta son masque respiratoire. Il espérait que dans sa chute, son manteau ne s’était pas relevé, trahissant ainsi ses jambes de droïd. Mais peut-être que le capitaine Ugmush, trop absorbée par ses calculs de vitesse, n’avait rien remarqué. Yarbolk, qui avait également roulé jusqu’à l’autre bout de la passerelle, se redressa et rejoignit C3 PO en boitillant. Il aida le droïd de protocole à relever D2 R2 qui avait, lui aussi, été propulsé au loin par la force du décollage. Des signaux lumineux de détresse clignotaient dans tous les systèmes de l’astromec, y compris dans les parties rapportées qui n’avaient pas été démontées depuis l’épisode du Pur Sabacc. Un à un, les signaux s’éteignirent. D2 sifflota un remerciement penaud. Sans dire un mot, Jos défit le ruban élastique qui retenait ses cheveux et le proposa à Yarbolk pour que celui-ci attache entre eux quelques-uns des câbles qui dépassaient de D2.

– Merci… Heu… Igpek, dit le Chadra-Fan à C3 PO. A charge de revanche !

Ugmush se tourna dans son siège. Ses petits yeux orange se fixèrent sur le journaliste à fourrure.

– Fumier puant ! Qu’est-ce que cet enquiquineur fait à bord de mon vaisseau ? demanda-t-elle. Bande de bons à rien, vous ne savez pas que sa tête est mise à prix dans sept systèmes ?